Compte-rendu de la conférence de presse à la Maison de la résistance de Bure

_MG_9058-ModifierSix personnes du groupe automédia, en se présentant sous l’identité qu’elles et ils avaient choisi, ont pris la parole devant une douzaine de journalistes à la maison de la résistance (Bure Zone Libre) le jour de l’ouverture du camp, lundi 3 août. Se sont déplacés l’AFP, Le Monde, Libération, M6, RTL et France Inter pour les médias nationaux, L’Est républicain et Le Journal de la Haute Marne pour la presse locale.

Les intervenant.es disent ce qu’elles ou ils ont à dire et éludent les questions avant d’avoir terminé leurs déclarations. Questions ouvertes à la fin, sur un laps de temps court : 15 minutes maxi. Aucun apparté accepté, ni aucune réponse individualisée/personnalisée.

Le principe, décidé collectivement, était de refuser que les journalistes débarquent sur le camp avec leur matériel comme on vient visiter un zoo ou « couvrir » un évenement culturel (comme le texte le rappelle plus bas – principe édicté dans le chapitre Presse de la brochure). Cette question a bien évidemment été discutée, avec plus ou moins d’effusion (écouter ci-dessous la 2ème partie du compte-rendu audio…). Rappelons que les journalistes, comme toute personne intéressée par le campement, pouvaient évidemmment venir nous rencontrer, pour peu qu’illes acceptent de venir sans leurs caméras, micros ou stylos inquisiteurs… Ce que certains n’ont pas voulu comprendre, au point d’affirmer que le camp était « interdit aux journalistes » – comme l’Est républiciain du 3 août, alors que deux jours plus tôt le même journal écrivait exactement le contraire après qu’un autre de ses journalistes ait pu faire un tour dans le camp sans se faire scalper.

_MG_9059Voici le texte qui a servi de support à la prise de parole. Suivi de deux comptes rendus sonores.

Sur notre rapport aux médias.

Nous intervenons en qualité de participant-e-s au groupe automedia du camp de Bure. Nous ne sommes ni porte-paroles, ni responsables du campement, dans la mesure où le fonctionnement du campement est anti-hiérarchique et que nous ne prenons aucune décision en lieu et place du reste des participant-e-s au campement.

Le campement de Bure est un campement politique et non culturel ou événementiel. Ses participant-e-s portent des principes politiques et un regard critique sur les institutions, dont les medias mainstream font partie.

En conséquence, et parce que nous sommes habitué.e.s à un traitement médiatique défavorable à nos mouvements, voire complice des discours officiels, il a été décidé qu’aucun enregistrement (sonore et video) ne serait permis sur le campement lui-même. De surcroît, nombre de personnes présentes sur le campement sont partie prenantes de luttes qui subissent une répression forte et ne souhaitent pas apparaître publiquement dans les médias.

Sur l’organisation du camp de Bure.

Le camp de Bure a été préparé depuis plus d’un an par environ 70 personnes investies dans diverses luttes sociales et politiques, et issues de différentes régions de France et d’Europe. Ces luttes ne sont pas spécifiquement anti-nucléaires et cherchent à dépasser cette seule question.

Dans les motivations communes, il y a la volonté d’intervenir en réaction à la COP21, mais il y a également la nécessité de trouver des manières de résister aux grands projets d’aménagement du territoire qui s’inscrivent dans une logique capitaliste, imposés d’une manière autoritaire et violente : aéroport de Notre-Dame des Landes, barrage de Sivens, Center Parks de Roybon, train à grande vitesse du Val Suza, mines d’extraction du charbon de Rhénanie, mines d’or de Rosia Montana, autoroute de Khimki, mais aussi les infrastructures du nucléaire ici et partout. Il nous importe également d’aborder la question de la répression et du système sécuritaire qui se développe et se durcit irrémédiablement depuis quelques années, dans les luttes et dans nos vies de tous les jours.

Le campement est anti-autoritaire et rassemble en premier lieu des personnes se reconnaissant dans l’autonomie politique. Cela signifie que tout ce qui organise la vie du campement cherche à éviter la reproduction des schémas de domination qui régissent la vie sociale habituellement. Pas de décideurs ou de décideuses, pas de prises de pouvoir, mais des décisions prises au consensus et des discussions qui s’organisent dans le respect de chacune et chacun.

C’est un espace sans drapeaux et sans hymnes, sans couleurs politiques et sans rapports marchands.

Les porteuses et porteurs du projet se sont constitué-e-s en collectif, qui a été baptisé Collectif Vladimir, Martine & Co, en soutien à Vladimir Martynenko, le conducteur de la déneigeuse qui a provoqué la chute du Falcon dans lequel le patron de Total, Christophe De Margerie, a perdu la vie. Vladimir Martynenko, à l’heure où commencera notre campement, est toujours en détention provisoire dans les prisons russes. Nous lui avons adressé une lettre de soutien qui a été diffusée largement sur internet.

Le campement est avant tout un moment de rencontres et de discussions, qui doit permettre à nos réseaux de partager leurs expériences et de bâtir des stratégies communes, transfrontalières et sur le long terme.

Sur le lien avec la lutte locale contre l’enfouissement des déchets nucléaires.

Le choix de Bure, s’il ne s’imposait pas dès le début du projet, nous est apparu très vite évident. Parmi les porteuses du projet figuraient des personnes investies dans la lutte locale contre Cigéo, qui en suggérant la tenue du campement à Bure, souhaitaient donner un souffle nouveau à une lutte de plus en plus en malmenée par le rouleau-compresseur de l’Andra et de l’état français.

La question du nucléaire est pour nous primordiale, parce qu’elle interroge à la fois notre manière de consommer et de produire, parce qu’elle met en lumière l’inconséquence humaine face à l’avenir de la planète et l’indifférence des gouvernant-e-s face à la vie.

En choisissant de transformer la Meuse en poubelle nucléaire, les nucléocrates nous imposent leur vision mortifère de l’existant. De surcroît, ils et elles nous mentent sur les conséquences possibles de leurs projets en prétendant garantir ce qui ne peut en aucun cas être garanti par l’humain, à savoir la neutralisation au-delà des siècles de matières qui restent hautement radioactifs durant des milliers, voire des millions d’années.

Conclusion

Notre position politique est claire : nous sommes pour l’arrêt total du nucléaire et nous rejetons l’idée qu’une croissance perpétuelle est viable et nous estimons qu’il est plus que temps d’arrêter de produire au-delà de nos besoins vitaux. Nous nous opposons à tous les projets répondant à des logiques financières plutôt qu’à nos besoins réels. Et avec la même détermination, nous nous opposons à toute forme de domination, d’impérialisme, ou toute volonté d’opposer les peuples les uns aux autres, ainsi qu’à toute forme d’autorité et de contrôle sur nos vies.

Dans nos vies et dans nos luttes, nous construisons des rapports basés sur la confiance mutuelle et la réciprocité, sur le partage et la solidarité. Nous développons des espaces de libertés au sein desquels prime l’autogestion et le partage des responsabilités, où les rapports marchands sont bannis et où chacun doit pouvoir s’épanouir, sans considération de son orientation sexuelle, de son genre, de son origine ou de sa couleur de peau, de son apparence ou de ses handicaps. La justice et la sécurité dans ces espaces se pensent collectivement, en dehors des réflexes sécuritaires ou punitifs, pour ne pas reproduire les schémas qui engendrent irrémédiablement la même conséquence : le totalitarisme, qu’il s’assume en tant que tel ou qu’il se cache sous les apparats de la démocratie.

Les événements politiques les plus récents démontrent la manière dont les lois les plus liberticides s’imposent par le 49.3, telle la loi Macron et son amendement sur la réversibilité de l’enfouissement des déchets nucléaires. De même que la manière dont des dirigeants ignorent les résultats des référendums, comme le gouvernement grec vient d’en faire la démonstration en acceptant les menaces de la Banque Centrale Européenne et du FMI malgré les résultats du scrutin.

Si les médias fabriquent l’opinion, ils contribuent aussi le plus souvent à nous faire passer pour des écervelé.es.

Il est plus que temps de reprendre en main nos existences, de désobéir aux vendeurs d’armes ou aux capitaines d’industrie qui ont pris en main les grands médias. Et à raconter d’autres histoires que celles qui nous sont trop souvent contées, parce qu’il est plus que temps de véhiculer une autre vision du monde et de la vie que celle, fataliste et austère, des visages pâles du capitalisme.

Merci de votre attention.

COMPTE-RENDU AUDIO de la conférence de presse.

1. La prise de parole de l’équipe Automédia.

2. Questions / réponses avec la salle.

Dans le détail :

0’00: VMC et les « ZAD », logiques d’occupations, etc.
3’30 : Rappel des objectifs du camp…
7’15 : Renforcement de la lutte locale : présentation et implication de Bure Zone Libre…
9’40 : Audience attendue…
10’15 : Perspectives autour de la COP 21…
12’00 : Le renformement de la lutte locale.
14’00 : Un camp à Bure régulièrement?
15’10 : « VMC, ça veut dire quoi? »…
17’45 : Liens tissés avec les groupes locaux de résistance contre Cigéo…
19:50 Dispositif policier…
21’25 : Réaction des agriculteurs sur l’implantation de  Cigéo…
23’26 : Où en est le projet Cigéo?
26’35 : Un point sur la gestion des déchets radioactifs en Allemagne…
30’00 : Rapport aux médias…
30’30 : Retour sur la COP 21…
32:10 : Embrouille sur les identités des représentants de VMC…