Depuis mi-avril beaucoup de choses se passent dans ce territoire niché entre la Meuse et Haute-Marne en résistance contre un projet de méga-poubelle nucléaire promettant d’enfouir 100 000 m3 des pire déchets radioactifs, soit 99,9% de la radioactivité française, dans 300 km de galeries creusées à 500 m sous terres, pendant plus de 100 000 ans, pour 130 ans de mise en œuvre industrielle, un coût estimé entre 25 et 35 milliards voire plus, bref, le plus gros projet industriel d’Europe ! Début juin, juste après le grand rassemblement des 200 000 pas le 5, l’ANDRA a accentué les hostilités dans un bois hyper stratégique : elle ne passera pas.
Jeudi 9 juin 2016, 5 h du matin. L’aube se lève peu à peu dans d’immenses flaques de brume. Bure se réveille bruissante d’activités. 35 personnes sont déjà sur place et une grosse vingtaine de renforts arrivent, répondant à un texto d’appel à renfort envoyé massivement la veille au soir. La foule se munit de pelles, pioches, enfile combinaisons blanches et masques de protection, prépare les banderoles, prend du bois pour les piquets, affute la caméra Super 8 des Scotcheuses qui tournent un film post-apocalyptique avec nous depuis le début de la semaine…
Objectif ? Arriver en masse dans le bois communal de Mandres-en-Barrois et bloquer les travaux préparatoires à la construction d’une des deux infrastructures cruciales de la poubelle nucléaire CIGEO : 300 ha de « zone des puits ». Ce bois, ce sont 220 ha de forêt de feuillus que l’ANDRA s’est accaparé depuis juillet 2015 au mépris de la volonté des habitant-e-s de la commune dont le recours juridique (non suspensif) est à l’étude depuis décembre 2015. À terme, les puits que l’agence entend y installer serviront à ventiler les rejets gazeux de la catastrophe en fûts entreposée 500 m en dessous dans 300 km de galeries. Depuis mai, alors que CIGEO n’a aucune déclaration d’autorisation de création ou d’utilité publique, des travaux de défrichement, de déboisement et de forages ont donc commencé ici. Des vigiles ont élu domicile, une large plateforme grillagée de barbelés-rasoirs abrite machines et bungalow, l’accès au bois est maintenant réglementé et les habitants doivent désormais montrer une carte d’identité pour passer les nouvelles barrières.
Promenons-nous dans les bois pendant que l’ANDRA n’y est pas !
5h40, le signal est donné, notre troupe d’une soixantaine de personne se met en mouvement, une quarantaine à pied et 4 voitures qui suivent. Différentes composantes de la lutte sont réunies dans une belle ambiance : ça faisait bien longtemps qu’un appel à action urgente n’avait plus réuni autant de monde – pour Bure – en si peu de temps. Nous ne sommes toutefois pas les seul-e-s à être matinaux : en surplomb le vrombissement d’un hélicoptère nous annonce que nous serons accueillis comme il se doit à l’orée du bois. Au loin le soleil rougeoie déjà dans l’horizon brumeux et laisse apparaître le tournoiement inquiétant des pales des éoliennes. Une dizaine de silhouette se dessinent en contrejour lorsque nous arrivons à hauteur du dernier carrefour. Les bleus sont déjà postés. Premier temps d’arrêt : que fait-on ? Va-t-on pouvoir passer ? Va-t-on vers la confrontation ? On continue d’avancer en passant à travers champ : nous les débordons sur les côtés. Ils n’ont visiblement pas consigne de nous bloquer physiquement le passage.


Après la parcelle déboisée, nous continuons d’avancer dans le taillis et contournons les keufs. Nous voici de l’autre côté, derrière la plateforme. Gendarmes en Robocop et vigiles aux chiens méchants sont à nouveau postés pour nous empêcher l’accès. Qu’à cela ne tienne : il est 6h30, nous nous installons pour un bon moment.
« Pas de foreuses dans nos forêts ! »
Le massacre perpétré par l’ANDRA a laissé sur le bas-côté des chemins de grandes piles de bois, cadavres entassés de ceux qui vivaient encore en début de semaine. En guise d’hommage nous en ferons de bien belles barricades. Il a beaucoup plu lors des derniers jour, les bois peinent à s’enflammer, tant et si bien que nos chercheurs barricadiers testent des méthodes alternatives pour réchauffer les bois mouillés en les plaçant à l’intérieur de larges tubes en aluminium préalablement démontés de l’énorme remorque grumière en contrebas.






Au retour dans nos bases, un long débriefing au soleil conclut l’action et permet d’avancer sur quelques points de frictions, faire en sorte que tout le monde soit à l’aise pour les actions futures. Pas à pas, actions après actions, assemblées après assemblées, la constellation des groupes et individus luttant contre la poubelle nucléaire se transforme en mouvement.
Bloquer les travaux dans ce bois, c’est bloquer le début de la poubelle nucléaire de Bure !
Il faut être clair : si l’ANDRA parvient à grillager puis raser le bois de Mandres-en-Barrois, cela serait une première défaite contre la poubelle CIGEO, et plus seulement contre l’implantation du laboratoire de recherche qui s’est implantée lors des vingt dernières années. Toutes les conditions sont réunies pour s’opposer : les habitant-e-s du village sont furieux et certains d’entre eux s’organisent depuis près d’un an pour tenter de le récupérer (ce qui n’est jamais arrivé dans aucun village de la zone en vingt ans d’implantation de l’ANDRA), un flou juridique total encadre l’intervention de l’agence, et c’est la première attaque concrète contre une forêt communal dont tous les habitant-e-s ont l’usage ! Comme le résumait un des habitants résistant à l’accaparement du bois : « on y flâne, on y chasse, on y fait les affouages, on y cueille… elle fait partie de notre vie ».

Depuis lors on parle de « renouveau de la lutte », marqué par les multiples temps forts des dernières années : campement anticapitaliste en août 2015, manifestations larges en juin 2015 et 2016, actions d’occupation agricole des terres de l’ANDRA, etc. Mais disons-le clairement : le « renouveau » lutte à Bure ne suffira pas s’il se contente de manifestations ou d’occupations symboliques de terres, c’est-à-dire s’il ne transforme pas en un mouvement se fixant stratégiquement des objectifs clairs de blocage de l’avancée de l’agence atomique ; en parallèle de l’énorme travail juridico-communicationnel et de l’ancrage local. S’il ne cherche pas à prendre à bras le corps, collectivement, des cibles logiques de la colonisation du territoire par l’ANDRA.
Sur le terrain tout le monde le dit, un peu comme une manière de conjurer les défaites sur les autres plans : « de toute façon ça finira sur le terrain à bloquer concrètement les machines ». Encore faut-il s’en donner les moyens et s’y préparer dès maintenant, en multipliant, sous différentes formes, des actions de blocage, de présence collective sur les lieux des travaux, etc.
#Eté d’urgence en Meuse… les rendez-vous à venir
D’autres appels suivront bientôt, tenez-vous au courant, d’ores et déjà les rendez-vous sont :
- Samedi 11 juin, rendez-vous à 12h à la Maison de Bure pour faire le point sur la situation, ramène ton pique-nique
- Mercredi 15 juin, 18h, Maison de Bure : assemblée stratégique pour faire le point sur le mouvement ; et préparer le départ à Notre-Dame-des-Landes le 9 & 10 juillet
- Dimanche 19 juin, à 11h, rendez-vous là où tout à commencé (http://burestop.free.fr/spip/spip.php?article715) : dans le village de Mandres-en-Barrois, près du lavoir. Un pique-nique et une grande ballade vers la forêt est prévue. Venez en masse, il y a plus que jamais besoin de monde sur place d’ici au 19, et tous les jours et semaines à venir pour continuer de les harceler et les bloquer !
La résistance sort du bois : l’ANDRA ne creusera pas son trou atomique dans la forêt de Mandres-en-Barrois !
ANDRA, dégage, résistance et sabotage !
Contact : sauvonslaforet@riseup.net Tel : 0758654889
Infos : www.vmc.camp / www.burestop.eu / www.burezonelibre.noblogs.org
