À Bure, pour le 3-4 mars, après les arrêtés d’exception : quel non-droit voulons-nous ?

Ce texte est une réaction à chaud de quelques personnes et ne prétend pas « représenter » la diversité des points de vues et attitudes face à ces nouveaux arrêtés que la Préfecture vient de poser. 

Hier soir jeudi 1er mars à 23h la Préfecture de Meuse a dégainé l’artillerie lourde avec plusieurs arrêtés préfectoraux interdisant les manifestations, le stationnement et la circulation sur Bure et Mandres-en-Barrois, ainsi que tout survol par aéronef. Seule la circulation piétonne et des résident-e-s sera autorisée. Une bien belle décision administrative qui nous renvoie aux premières époques de la contre-insurrection dans les colonies et aux pratiques les plus aggressives de zonage militaire.

Probablement que les consignes du Ministère de l’Intérieur, et en plus haut lieu encore, sont claire : « Muriel, n’hésite pas, fermeté et dialogue, fermeté et dialogue ». Toute manifestation sera interdite ce week-end, mais « la porte » de la Préfète au « dialogue » avec les opposant-e-s « légaux » resterait toujours ouverte. La petite musique de la dissociation continue d’égréner ses fausses notes mais ne trompe plus personne, moins que jamais. Comme si un prisonnier pouvait vraiment « dialoguer » avec son geôlier pour négocier l’évolution de sa condition ! À Bure il n’y aura pas de syndrôme de Stockholm.

Cela fait maintenant plusieurs années que l’évolution du contexte sécuritaire en France, et globalement, rend de plus en plus caduc, pour tout le monde, toute notion de légalité ou d’illégalité, toute notion d’État de droit. En Meuse par petites touches et depuis plusieurs mois cet arbitraire d’État tout le monde le connaît mais ce week-end c’est un nouveau cran dans ce dispositif d’exception qui a été franchi.

L’État prétend lutter contre une « zone de non-droit », en en créant une plus grosse encore grâce à l’aide de toute sa mafia légale en jeep, fourgons de GM… Tout le décorum ronflant des « considérant que », « considérant que », toute la novlangue administrative cherche à masquer le fait qu’il est de plus en plus manifeste aux yeux de tout le monde que ces décisions n’ont plus rien de légitime ni de légal. Ces arrêtés préfectoraux, alors même qu’ils semblent relever d’un « Etat d’exception », révèlent en fait ce qu’est fondamentalement l’Etat : la maîtrise militaire d’un territoire et de ses habitant-e-s par des forces armées suffisamment puissantes.

Alors voilà, ce week-end nous sommes un certain nombre à avoir prévu de nous rencontrer, discuter, nous tenir chaud, vibrer ensemble après l’épreuve dure de l’expulsion du 22 février. Nous avons prévu de construire une lutte dépassant largement les frontières de la Meuse et de la France, précisément pour mettre en échec toute cette asphyxie. Nous avons prévu de marcher vers la forêt pour montrer qu’elle est toujours en nous de multiples manières. Nous avons prévu de continuer de construire, sur place, des lieux d’accueil et d’ancrage pour enraciner la lutte sur le long-terme, malgré la perte momentanée de cette belle forêt.

Si cela doit être passible d’une interdiction, être considéré comme un délit ou un crime, être catégorisé dans des instructions judiciaires « d’associations de malfaiteurs », alors ainsi soit-il. La question qui est posée est plus claire que jamais : quelles « zones de non-droit » voulons-nous habiter et inventer ? Quelles attitudes adopter, massivement, face à l’État d’exception ? Ce matin, d’ores et déjà le verglas a décidé de rendre les routes difficilement praticables pour les militaires…

Nous appelons toujours à venir, plus que jamais, pour ce week-end. Nous mettons tout en œuvre pour répondre au mieux au niveau de répression hallucinant de ces arrêtés. Il y a sur place de quoi accueillir, manger, dormir, discuter. Nous trouverons ensemble des solutions et nous ne nous laisserons pas diviser, apeurer et diminuer notre joie de vivre par ces manœuvres préfectorales.

À ce week-end,

Quelques hiboux de Bure et des environs.