A Bure comme ailleurs, faire face aux violences policières

AGENDA : Appel à un rassemblement symbolique le 10 septembre devant la gendarmerie de Bar-le-Duc à 14h en présence de Robin et ses proches. 

Le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure a fait de ce bout de terre et de forêt un territoire assiégé. L’occupation militaire permanente et la résistance déterminée rythment depuis quelques années cette lutte contre l’industrie la plus meurtrière de France. Pendant la manifestation du 15 août dernier contre le centre de l’Agence nationale de déchets radioactifs, le site prévu d’enfouissement au milieu des champs fut rendu inaccessible par des escadrons de gendarmes mobiles.    Ils ne tireront pas à balles réelles ce jour là – des policiers et des gendarmes ont déjà brandi des armes à feu contre des manifestants ces derniers mois – mais feront encore usage de grenades explosives qui mutilent et tuent.

La violence d’Etat, à chaque fois que des luttes conséquentes ont lieu, voudrait nous figer dans la stupeur. Mais c’est de la colère que nous éprouvons dans ces paysages d’une guerre qui ne dit pas son nom, lorsqu’un résistant est tué, comme Rémi Fraisse à Sivens, lorsque des manifestants sont mutilés pendant les luttes contre la loi  travail ou lorsque Robin P. a eu un pied déchiqueté à Bure, ce 15 août, à nouveau par une grenade assourdissante GLIF4. – Les tirs nourris ciblaient les manifestants en train de quitter le champ, l’une des grenades explosa projetant trois personnes à terre. L’évacuation fut difficile jusqu’à l’ambulance medic’, les gendarmes mobiles continuant à tirer sur les porteurs des personnes blessées à bout de bras ou sur un brancard. Une fois dans l’ambulance, la personne blessée criait de douleur et nous nous sommes pressés de nettoyer et protéger la plaie béante, constatant les débris de la grenade et les tissus brûlés de la chaussure et des vêtements, tout le dessus de pied ayant explosé. Près d’une trentaine d’éclats aux deux jambes lui faisaient terriblement mal. Nous avons évacué sans délai jusqu’aux pompiers déjà présents sur le village, appelés plus tôt pour une autre personne gravement atteinte par une autre grenade tirée à hauteur de tête.

Les médias ne parlent que d’un blessé grave, Robin car l’autre personne a préféré cacher ses blessures, refuser les soins, taire son nom. Nous savons aussi que la police ne s’encombre pas de la procédure légale, et s’est introduite en force dans les services d’urgence,  pour relever des identités de camarades avec, dans certains cas, la complaisance inacceptable du personnel soignant, bien plus soumis à l’autorité qu’au secret médical. Robin, risquant une amputation du pied et opéré en urgence a dû faire face entre deux opérations, à deux reprises, à leur présence insistante   : perquisition et interrogatoire. Ils connaissent précisément les dangers que leurs tirs peuvent provoquer et anticipent ainsi toute plainte par la pression que ce soit sur les services hospitaliers et leur personnel ou sur les blessés directement.

Les autres bléssé-e-s, qui souffrent pour plusieurs semaines avec des traumatismes lourds (fracture osseuse, hémorragie interne, plaies; contusions) et des handicaps transitoires, sont innombrables, au risque de les banaliser.

Ce n’est ni la première, ni la dernière fois qu’il faudra tenir ensemble face à la déferlante de violences policières et leur piètre légitimation. Toute lutte conséquente fait face aujourd’hui à une militarisation dont l’exception devient la règle, jusqu’à l’intégration de l’état d’urgence dans la législation dite « ordinaire ». Et ce sont des techniques de médecine de guerre qu’il nous faut nous réapproprier, nos propres réseaux de soins qu’il faut densifier. Ce sont des protections physiques et des moyens de défense qui deviennent les garants de notre survie aujourd’hui dans les manifestations. Dans les luttes, dans les quartiers, nous sommes  face à une militarisation policière où les grenades GLI F4, les rafales ou l’armement nucléaire sont des marchés gigantesques que le gouvernement investit pour ne pas s’effondrer et exporter son «  savoir-faire en maintien de l’ordre  ». La dernière commande de grenades de tous types d’un montant de 22 millions d’euros, qui défraie la chronique depuis quelques jours, pourrait sembler une provocation par sa démesure, mais c’est la suite logique d’une stratégie d’étouffement des luttes que ce gouvernement craint dans les années à venir.

Nul ne peut douter que la contre-révolution qui se met en marche réveillera des luttes, des résistances et de nouvelles inventions. Ce cri élémentaire, « nous ne nous laisserons pas gouverner! » repris lors des luttes du printemps dernier va sans doute se multiplier dans les temps à venir. Et le contraste n’en sera que plus grand entre la vulgaire avidité de pouvoir d’un cover-boy, ex-banquier,  pantin de circonstance d’une furieuse entreprise de destruction, et ce qui se bâtit dans des terres libérées, dans les amitiés qui naissent avec les luttes et les grèves, dans l’hospitalité des exilés condamnés à l’errance, dans le soin que nous prenons les uns des autres.

L’historien de la résistance italienne Claudio Pavone, rapporte ces mots de Jemolo, un partisan antifasciste: « C’est singulier, cette terrible liberté de choix pour les plus grandes choses, et cette voie toute tracée pour les plus petites ».

Contre la bassesse du monde asphyxiant qu’ils veulent nous imposer, y compris par la puissance de feu de leurs polices, nous persévérons dans le choix de tracer des chemins qui nous amènent vers d’autres mondes.

Des medics de Bure et d’ailleurs