Après la journée mouvementée d’hier (lundi 30), marquée par le retour des machines et de l’incontournable Emmanuel Hance, voici venu le moment d’un retour, au calme et avec du recul, sur le déroulé exact de cette matinée. Nous publions donc un récit factuel aussi exact que possible de la journée, pour éviter toute exagération dans nos réseaux, et surtout tuer dans l’œuf toute tentative de déformation ou de mensonge de la part de l’Andra.
Vers 9h, le convoi de l’Andra (une pelleteuse et deux tracteurs avec remorques ainsi que quatre voitures transportant E. Hance, ses vigiles et un huissier) a été aperçu en deux points différents avant même d’arriver à la vigie nord du bois. Cela nous a permis de donner une alerte rapide et d’agir en conséquence. C’est cette réactivité qui nous a permis de tenir la barricade nord, au lieu de laisser les machines descendre vers le sud comme lundi dernier. Contrairement à ce que prétendent E. Hance et les agents de communication de l’Andra sur les vidéos, nous n’étions pas prévenu.e.s de leur intervention. Des rumeurs nous ont permis d’être prêt.e.s mais aucune démarche n’a été faite pour nous avertir. Couac dans leur stratégie ou premier mensonge délibéré ?
A partir de 9h15 ou 20, nous étions donc rassemblé.e.s sur la barricade nord pour empêcher la pelleteuse de la détruire. Malgré ses paroles prévenantes (« attention vous allez vous blesser », « veuillez descendre pour votre sécurité » etc.), Emmanuel Hance n’a pas hésité à donner des ordres directs au conducteur de la pelleteuse pour qu’il commence à déblayer des morceaux de bois autour des personnes : des morceaux auxquels nous étions agrippé.e.s, ou des morceaux entrelacés à d’autres, qui pouvaient rouler sur nous. Croyant reconnaître la copine frappée la semaine précédente par un vigile, l’inénarrable (et peu physionomiste) homme à tout faire de l’Agence la prévient : « attention à ne pas te casser le nez ». Attention prévenante ou menace voilée ?
A 9h31, un copain arrive de vigie nord avec une caméra. A partir de cet instant, presque tout est filmé. C’est à partir de ces vidéos que nous reconstruisons une timeline très précise.
A 9h34, la vidéo montre distinctement E. Hance chuter en tirant un morceau de bois. Peut-être les éclats de rire qui ont accompagné l’événement lui ont-ils fait perdre le contrôle de ses émotions, ou peut-être est-il d’un tempérament impulsif (du genre à foncer avec une pelleteuse sur les gens)… Toujours est-il que dans les secondes qui suivent, il s’empare d’une bouteille d’essence, la débouche, la sent, puis en renverse le contenu sur la barricade, entre nos jambes. Une camarade témoigne de ses souvenirs de la scène :
E. Hance s’est approché avec une bouteille de type bouteille d’eau contenant un liquide jaunâtre. Il l’a ouverte pour la verser sur la barricade ; j’ai cru d’abord que c’était de l’urine mais nous avons senti qu’il s’agissait d’essence. Il a d’abord dit que c’était la nôtre (je n’ai pas vu d’où il l’a ramenée) puis « c’est moi qui ai amené la bouteille ». Il a versé tout le contenu sur la barricade, sans nous toucher.
De mémoire, il semble à plusieurs personnes qu’E. Hance a dit par deux fois « c’est de la pisse » en se tournant vers la caméra ; pour le moment le son de notre vidéo ne nous permet pas de l’entendre distinctement. Mais nous confirmons qu’il s’agissait bien d’essence et non d’urine. L’Andra elle-même le reconnaît dans un tweet posté ce 31 janvier au matin :
Andra CMHM : @ZIRAdies L’andra a trouvé cette bouteille d’essence cachée dans la barricade et l’a vidée au sol devant huissier pour raisons de sécurité.
Verser de l’essence à deux centimètres des personnes pour « raisons de sécurité » ? Le cynisme a ses limites. Précisons également que l’essence n’était pas dans la barricade : Hance la ramasse hors-champ à quelques mètres (la caméra était centrée sur la barricade). Après discussion entre plusieurs d’entre nous présent-es sur place, personne n’a pu établir d’où venait cette bouteille.
A partir de 9h40, nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses et avons désormais deux caméras. Il devient clair pour nous que nous pouvons maintenir un blocage de cette barricade.
A partir de 9h43, des gens montent sur la pince de la pelleteuse pour l’immobiliser (les règles élémentaires de sécurité sur un chantier interdisent de déplacer une machine dans ces conditions). Dès lors, c’est sur ce point (davantage que sur la barricade elle-même) que se situent les tensions dans la demi-heure qui suit.
Nos vidéos montrent à plusieurs reprises E. Hance donner des ordres oraux ou visuels au conducteur de la pelleteuse pour qu’il déplace la mâchoire. Hélas, Monsieur Hance, des parole prévenantes (« tu prends la pelle, tu les pousses gentiment là ») ne suffisent pas à compenser une violation totale des consignes de sécurité sur un chantier ! Déplacer une machine à laquelle des personnes sont agrippées est illégal : on ne s’improvise pas chef de chantier (en plus d’être gestionnaire foncier et harceleur de paysans) aussi facilement… Plusieurs témoignages s’accordent à dire que le conducteur de la pelleteuse semble particulièrement bouleversé par la situation et par les ordres qu’on lui donne.
Vers 10h15, deux agents du service communication de l’Andra viennent négocier avec nous.
[A ce stade du récit, l’automedia de Bure tient à exprimer sa plus vive émotion : depuis le temps que nous suivons et de près le travail des communicant.e.s de l’Andra, les rencontrer en chair et en os était un moment que nous n’osions plus espérer. Nous saluons en particulier leur effort hilarant dans le domaine artistique et passons le bonjour aux 37 personnes (à ce jour) qui s’y intéressent]
La ligne choisie par les communicant.e.s est claire : ils viennent nous proposer diplomatiquement un simple « nettoyage » du bois et le retrait des « éléments de béton » (à aucun moment le mot de « mur » n’est prononcé!). Ils se couvrent ainsi juridiquement vis-à-vis de l’échéance du 2 février (date à laquelle l’ordonnance du 1er août les somme d’avoir remis en état la forêt) ; ils se couvrent médiatiquement en tentant de nous faire passer pour des militant.e.s incohérent.e.s qui demandent le retrait d’un mur dans un premier temps puis s’y opposent dans un second. Notre position est pourtant claire et légitime : nous ne pouvons laisser des machines appartenant à l’Andra approcher de nos lieux de vie dans la forêt.
Vers 10h40, face à notre refus d’obtempérer, les machines, les vigiles, l’huissier et le service communication rebroussent chemin. A cette occasion nous constatons que :
- Les4x4 des vigiles transportent du matériel qu’ils ne sont pas prêts à assumer publiquement : ils deviennent violents lorsque nous approchons avec nos caméras.
- Un des tracteurs circule avec une plaque d’immatriculation sciemment dissimulée.
Dans l’heure qui suit, nous restons sur le qui-vive jusqu’à ce que les machines soient loin et que la voiture de gendarmerie stationnée à vigie nord s’en aille.
Dans la même matinée, on a signalé des mouvements policiers à vigie sud, ainsi que des contrôles routiers insistants (menés par le Commandant Dubois et le PSIG) à Joinville.
Encore une belle journée dans la Meuse !