D’abord on nous murmurait il y a deux semaines la possible venue de Mélenchon à notre manifestation du 18 février à Bure contre la possible expulsion du Bois Lejuc et le projet d’aménagement de poubelle nucléaire, puis on nous a demandé timidement, il y a une semaine, si ça nous dérangerait que Poutou vienne faire un tour ; aujourd’hui c’est EELV qui sort l’artillerie lourde de la communication pour appeler à venir à Bure, et ce soir on apprend que Hamon souhaiterait rencontrer l’ANDRA et ses opposant.e.s dans la journée de lundi.
À Bure on avait déjà connu les militant.e.s du dimanche, bardé.e.s de drapeaux et autocollants, qui se photographient devant les ruines de mur, en lisière de bois occupé, pour prouver qu’à défaut de brandir la masse, de clouer le toit d’une cabane ou encore de faire le pied de grue au tribunal, ils soutiennent la lutte par procuration. Mais on ne s’attendait pas à un tel parachutage de présidentiables sur Bure.
Nous serions-nous trompé.e.s dans les cartons d’invitation ?
Pas de buffet électoral prévu par chez nous, les palettes construisent des chiottes sèches pas des pupitres de meeting, et les urnes servent davantage à recueillir les cendres de 20 ans d’indifférence et de mépris politique pour les meusiens livrés à la résignation face à CIGÉO. Désolé messieurs, vous arrivez trop tard, on ne sert plus de soupe politique par chez nous, on fait plutôt dans la récup’ de désillusionnés des chamailleries politiques, on remixe nos propres idées assaisonnées d’autogestion, d’autonomie et d’horizontalité. Nous aspirons à sortir nos manifestations des sentiers battus, à dégager le ciel des baudruches et drapeaux publicitaires, à l’emplir de nos rires, chants et cris et à réinventer la multiplicité de nos couleurs. Nos imaginaires ne tiennent pas dans un programme et n’obéissent pas à un calendrier, ils se vivent, s’affrontent chaque jour, dans la joie et les larmes, dans l’entrave d’une machine, à la cime des arbres ou dans l’occupation et le labour d’un champ.
Notre force collective se construit dans l’entremêlement des individualités et non dans leur addition bêtement quantitative. Nulle personne seule ne saurait porter et représenter toutes nos paroles, car nous sommes multiples, à plusieurs voix, plusieurs visages et mille idées. Nous vivons là, nous luttons là, nous sommes par conséquent les plus à même de porter notre parole, anti-capitaliste et anti-autoritaire ! Nous n’avons pas besoin de porte-voix, l’amplification de notre mobilisation se fait dans la diffusion et l’échange de nos idées et non dans leur massification par le biais d’un porte-parolat charismatique.
Le 18 février, toute prise de parole médiatique ou politique qui ne serait pas celle que nous avons consenti de construire ensemble, sera considérée comme une récupération politique dont nous nous passerons bien !
Notre lutte n’est pas présidentiable : ingouvernés, nous serons ingouvernables !