Bure – St-Affrique : RTE dégage !

Que faisaient des masques de hiboux dans un article du midi libre, ce 3 décembre ? Vol migratoire inattendu depuis les cimes du Bois Lejus, ou attrait soudain des Aveyronnais pour l’assiette en carton et la bombe de peinture (secret de fabrication jalousement gardé) ?
C’est que dans la foulée de l’appel commun à un hiver ardent, nous étions quelques un.es bien décidé.es à venir prendre l’air du sud à l’occasion de la manifestation contre RTE, appelée par les copain.es de l’Amassada en lutte contre l’implantation du « transformateur aux mille éoliennes ».

« Mais elle est où, l’enquête publique ? » (proverbe aveyronnais)

C’est qu’il y a là-bas quelque chose qui nous touche, et profondément. Au-delà de la sincérité des échanges et des camaraderies qui se tissent entre St-Victor et Bure, au-delà des joyeuses soirées où coulent bière de Morlaix-sur-Saulx et vin de Gaillac, au-delà des farandoles endiablées (boulègue, boulègue!) et des concerts de mathcore, force est d’avouer que la lutte qui depuis trois ans prend son envol depuis l’Amassada est à bien des égards exemplaire.
Le flop magistral de l’enquête publique, avec son commissaire qui repart bredouille de tous les lieux impactés sans avoir pu en placer une, et se voit même acculé à déplacer sa permanence à 100km de là… tout cela nous rappelle les grandes heures du boycott du débat public à Bure en 2013, et même mieux ; cela donne des bouffées d’espoir à tous les territoires qui, ici ou ailleurs, se révoltent contre leurs aménageurs encravatés. Le 7 novembre à Saint-Victor, c’est tout un village qui s’est barricadé de bottes de pailles et orné de banderolles, et c’est tout un village, des gosses aux retraité.es, qui sommait le commissaire enquêteur de ne pas revenir. Il n’est pas revenu. Cela valait bien de notre part une visite de courtoisie le 2 décembre !
Il faut dire pourtant que le combat mené là-bas n’est pas évident, pas facile à défendre, pas politiquement correct : on se dit écolo et on se bat… contre des moulins à vent ? Eh bien oui. Il est plus que temps de détricotter la grande imposture du renouvelable si vraiment nous voulons changer de société. C’est ce qui se joue là-bas. Et non, les hiboux soudain anti-éolien (industriel) ne sont pas devenus pro-nucléaires pour autant.

Le vent nous porte sur le système ! (maxime meusienne)*

D’abord, quand on parle d’éoliennes industrielles, on devrait toujours prendre en compte l’impact de toute la chaîne, et y réfléchir à deux fois avant de parler d’énergie verte. Quid des 1500 tonnes de béton et des 600kg de terres rares ? Des coûts énergétiques et environnementaux liées à la fabrication, à l’acheminement, à l’entretien et au démontage de ces robots-usines ? Un employé d’une société éolienne travaillant à quelques km de Bure, covoitureur à ses heures perdues, déclarait  récemment à un ami : « tous nos clients sont des banques, ou des fonds d’investissement : c’est un moyen pour eux de placer de l’argent, grâce aux aides à l’installation, mais pas quelque chose d’écolo ». Il n’avait pourtant rien d’un militant, et d’ailleurs pas de mots assez sévères contre les opposant.es : il était juste tragiquement lucide sur son métier…

Et puis il faut compter. Rendement, facteur de charge, surface disponible etc. Sans rentrer dans les détails, on conseillera à ce propos la lecture de la brochure Le vent nous porte sur le système (ici en version cahier) et les ressources recensées sur le site de l’Amassada, pour mieux cerner l’imposture. Mais surtout, par-delà les calculs d’apothicaire et la technicisation à outrance du problème, il faut bien se poser la question du monde qu’on nous prépare, et voir quelle logique gestionnaire est à l’oeuvre du stockage des déchets radioactifs aux champs d’éoliennes, en passant par la biomasse forestière qui était à l’honneur ce 9 décembre sur le plateau de Millevaches.

* Rendons à César Astérix ce qui lui appartient : la maxime n’est devenue meusienne qu’à force de trainer sur nos infokiosque. On doit cette brochure à la CNT Amiens.

« Ni nucléaire, ni éolien, RTE dégage ! » (création visuelle sur support urbain)

 

La consommation d’électricité en France, après avoir augmenté de 180 % entre 1973 et 2008, oscille désormais entre 478 et 490 TWh, et on voit mal ce qui pourrait la faire descendre significativement. En tout cas, ce n’est pas nos écogestes qui y pourront grand-chose, et il n’y a bien qu’un graphique d’edf, mêlant arbitrairement « tertiaire » et « habitat » dans un même poste de dépense, pour essayer de nous faire croire que cela repose sur nos pratiques.
La hausse relative des énergies dites « propres » n’a par ailleurs jamais coïncidé en France avec une quelconque baisse du nucléaire : entre 2012 et 2013, elles passent de 16 à 19% sans que la production des centrales, en valeur absolue, ne bouge d’un iota. Dans le pays le plus nucléarisé au monde (75 % de la production d’électricité, loin devant les 30 % de la Corée du sud et les 20 % aux USA), à l’heure même où l’on couvre les lignes de crètes d’éoliennes, on prépare aussi le « grand carénage » des vieux réacteurs et les nouvelles générations d’EPR, en même temps qu’on tente de péréniser à Bure l’ensemble de la filière.
C’est qu’il n’a jamais été question ici de « transition », mais bien d’ « accumulation » énergétique. Il y a fort à parier que quand on se targuera – miracle ! – d’être passé à 50 % de nucléaire, ou même moins, ça ne sera que par l’ajout d’autres sources, et non pas par un recul significatif de la fission. Aussi est-il vain de prier les blanches turbines de nous apporter la sortie du nucléaire, car en France nous aurons bientôt les deux, éolien et atome, comme les deux faces identique d’une même pièce truquée. L’un supplée l’autre dans les pics de consommation. Deux tentacules d’une même pieuvre qui parcourt le territoire : RTE. Les copain.es de l’Aveyron ne s’y sont pas trompé.es !

Hollande avait promis un million de voitures électriques, et l’on voit partout se multiplier les bornes de recharges élaborées par le groupe Bolloré ; le TGV continue son développement à tout prix et, quelque part dans de hauts tours, quelques aménageurs mégalomanes continuent de rêver à des hypercentres commerciaux comme celui de Gonesse, avec ou sans piste de ski. A mesure que le monde devient plus gourmand, il faut plus de réseau, plus d’intégration, plus de plasticité pour articuler les sources d’énergie qui se multiplient. Donc toujours plus de lignes THT qui zèbrent le territoire, plus de centres de contrôle cybernétique, de compteurs intelligents etc. Et tout cela nous plonge dans un monde plus gourmant encore, à l’infini. Et de fil en aiguille, ce qui se profile, c’est un monde de la dépendance totale, énergétique et politique, envers le réseau, avec pour clef de voute la mise au rebut des pires déchets jamais produits, à 500m sous-terre, quelque part dans le sud-meuse…

RTE, droit dans le Bure !

C’est donc sans l’ombre d’une hésitation que les chouettes hiboux ont donné un coup de truelle, le 2 décembre, pour aider à emmurer le local de RTE à Saint-Affrique. Qu’on n’aille pas dire désormais que le débourrage estival de bétonite de surface est notre seule compétence : quand il s’agit d’aider les copain.es, on construit, aussi !

L’ouvrage de maçonnerie a été accompli paisiblement sans que la bleusaille, étonnamment discète, ne tente la moindre approche. Ce fut le point d’orgue d’une manifestation chaleureuse et animée, qu’avait inauguré la crémation rituelle de la première page de l’enquête publique. Au bout du compte, quand le cortège a quitté les lieux, on pouvait lire sur les murs d’RTE, écrit à la bombe rouge : « on enfouiera RTE à Bure ».

En attendant que l’Andra entame ici son chantier de transformateur électrique, on salut celles et ceux qui se battent dans l’Aveyron et partout contre les masques du capitalisme vert! Et pour continuer ce bel hiver ardent, on vous donne rendez-vous à Roybon le 16 décembre !

A Bure comme à St-Victor, PAS RES NOS ARRESTA !

 

Quelques chouettes hiboux de retour de vacances