C’est officiel : le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est abandonné. Il y a peu de mots pour décrire le mélange d’émotion qui nous assaille, un sentiment profond de joie, de dignité, de justesse et de force. Aujourd’hui, pour de très nombreuses personnes en France et au-delà, est un jour historique : un de ceux, encore trop rares, où une force collective entêtée fait plier les puissants.
Ce n’est pas si souvent dans une vie que l’on peut ressentir de telles joies, une telle force. Cela faisait depuis 2006 et le CPE qu’un large mouvement populaire et déterminé n’avait plus remporté une victoire. Aujourd’hui ce n’est pas seulement un projet d’aéroport (parmi des centaines d’autres en construction dans le monde) qui est abandonné, c’est un sentiment de victoire possible qui renaît et nous inspire pour toutes les luttes que l’on mène partout, pour tous les mondes que nous essayons de bâtir.
Ni le rejet systématique des recours juridique des opposant-e-s, ni les parodies de consultation démocratique, ni le recours à la force militaire comme en 2012, n’ont pu permettre de mener à bien ce projet. Pour autant, il nous faut nous garder de tout triomphalisme. L’abandon de l’aéroport est la fin d’une première phase de lutte, qui aura duré plus de 50 ans. Maintenant il faudra déjouer, dans les jours et mois à venir, toutes les tentatives d’évacuation de la ZAD – même « partielle », même à minima. Il faudra crever la baudruche de la communication va-t-en guerre et la montrer pour ce qu’elle est vraiment : une mise en scène de l’État pour ne pas perdre totalement la face. Il faudra par dessus tout battre en brêche toute tentative de dissociation entre occupants légaux et illégaux, agriculteur-ices et squateur-euses, bons ou mauvais anti-aéroport. Il en va de l’avenir de la ZAD et de tous les rêves qu’elle a suscités.
Ce que les gouvernants et les technocrates, qui ne pensent qu’avec des chiffres, ne comprendront jamais c’est que l’on peut être prêt à se battre pour des attachements qui nous dépassent. Nous réaffirmons que nous appelons à défendre la ZAD de manière unie. Nous appelons à un moratoire sur toute expulsion, et au transfert des 1650 hectares de terres à l’ensemble du mouvement pour une gestion collective, basée sur les 6 points du mouvement anti-aéroport. Nous appelons à venir massivement le 10 février pour la fête de la victoire, qui promet d’être inoubliable, sur la ZAD.
L’aéroport ne se construit pas : le capitalisme, un temps, trébuche, mais il continue son avancée destructrice ailleurs. Certains medias pourraient maintenant annoncer de manière pétaradante le « départ des zadistes » en premier lieu vers Bure. Cela pour mieux légitimer une future intervention policière d’ici à quelques mois sur le bois Lejuc occupé depuis juin 2016.
Mais à Bure, nous avons toujours dit que nous refusions le label ZAD pour mieux inventer la richesse singulière de notre lutte en Meuse. Le fantasme de la « horde de zadiste radicale », fréquemment agité pour son parfum de sensationnel, ne fonctionnera pas plus aujourd’hui qu’il y a 1 an et demi, quand le bois Lejuc a commencé à être défendu.
L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’est pas plus la victoire des « zadistes » que des « agriculteurs-ices », des « associations » ou des « comités » : c’est celle de tout un mouvement protéiforme, dépassant largement le cadre local, qui a su faire de sa diversité une force, malgré toutes les frictions, et ne pas camper sur des positions identitaires. Demain, nous espérons qu’il en ira de même dans la lutte nécessaire contre le projet de poubelle nucléaire de Bure. Nous appelons à continuer de construire et renforcer des comités partout et rejoindre tous ceux qui se créent depuis des mois.
Non aux expulsions ! Que vivent la ZAD et ses mondes !
Communiqué signé par : Des chouettes hiboux en réunion hebdomadaire, Bure Stop, CEDRA