Sans trop de surprises, le TGI de Bar-le-Duc a tranché ce mercredi 26 avril en prononçant l’expulsabilité des occupant.es du Bois Lejuc. Après plusieurs mois de bataille juridique pour faire reconnaître l’illégitimité de l’Andra à conduire des travaux dans cette forêt, nous revoilà au moment où machines et gendarmesque menacent à nouveau à l’horizon et où il va nous falloir être nombreu.ses à être mobilisé.es pour les tenir une fois de plus à distance.
Selon l’avis rendu par le tribunal de Bar-le-Duc, Sven Lindstroem devrait faire ses bagages, sous prétexte que sa maison forestière de palettes n’est pas « attachée matériellement au sol par un dispositif de liaison ou d’ancrage ou de fondation (…) et repose simplement au sol » et ne saurait donc être considérée comme un « immeuble bâti« . En outre, « le droit de propriété est un droit fondamental et l’occupation sans droit ni titre (…) constitue un trouble manifestement illicite ». Bien mal acquis, au passage, puisque l’Andra s’est vue, le 28 février dernier, annuler par le Tribunal Administratif de Nancy le contrat d’échange avec la commune de Mandres-en-Barrois qui l’avait rendu propriétaire du Bois Lejuc en janvier 2016. Mais propriété à demi reste propriété et la propriété c’est sacré : étant donné que la commune dispose de 4 mois pour renouveler un vote d’échange avec l’Andra en conseil municipal, cette décision d’annulation n’est qu’un contretemps avant que tout rentre l’ordre et que l’Andra puisse à nouveau défricher en rond. La commune ne semble cependant pas vouloir réitérer le vote puisque le maire a fait appel fin mars de la décision d’échange.
Évaporée au final, dans cette décision d’expulsion, la raison profonde de la présence de notre ami Sven dans cette forêt, outre qu’il fait bon dormir à la cime des arbres et fleurer la rosée matinale en compagnie des chevreuils. Car, au-delà du « droit au respect du domicile et à la dignité » qui légitimerait à lui seul bien des discussions autour du caractère fondamental de la propriété, quand tant d’humains en sont privés, il ne s’agissait évidemment pas pour Sven de revendiquer ici un droit au logement opposable (DALO) au cœur des sous-bois. Mais il s’agit bien plutôt de s’opposer physiquement à la destruction d’une forêt, déjà bien entamée avec les travaux de défrichement menés sur 7 Ha par l’Andra, au cours de l’été 2016.
L’Andra se remet au vert
Las, le tribunal évacue d’un revers de main « la protection de l’environnement invoquée par M. Lindstroem « . Après tout, l’autorité environnementale(2) a dispensé l’Andra d’étude d’impact le 17 mars dernier, alors même que l’Andra a révélé dans son dernier dossier la présence de plusieurs espèces protégées non prises en compte précédemment. En clair, l’Andra est chez soi, elle fait ce qu’elle veut, pourvue qu’elle laisse passer la petite faune entre les roues de ses camions de gravier et qu’elle organise une battue pour abattre la grande. Pour la flore, l’important c’est qu’on s’engage à remettre en état et repiquer quelques arbrisseaux ici et là pour remplacer les milliers d’arbres abattus.
Et comme la propriété est extensible, qu’on redoute que Sven n’aille déplacer sa cabane hors-sol de quelques centaines de mètres, la décision ne s’applique pas au seul Bois Lejuc mais également à tous ceux environnants appartenant à l’Andra, soit un peu plus de 400 Ha, pour une zone d’exploitation de surface qui prévoit d’en occuper 270 d’ici l’année 2035. Difficile, dès lors de croire que l’Andra compte s’en tenir à 13 forages sur 7,46 Ha, il suffit de regarder la carte ci-contre pour se faire une idée. D’autant que le mur d’enceinte de béton prévu pour couvrir 3km et destiné à protéger ces « forages très ponctuels » des affreux trublions que nous sommes, a déjà entraîné un défrichage de l’ensemble de cette surface à lui seul.
En conclusion, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes puisque l’Andra justifie après coup tout les illégalités commises et que l’Autorité Environnementale, la Commune de Mandres-en-Barrois et la préfecture feront le nécessaire afin que ces mêmes pratiques soient absoutes du sceau du législateur pour la suite des événements. En conséquence, fi de la période de nidification des oiseaux qui intervient entre mars et juillet ou de la présence de matous sauvages, un peu de gaz lacrymo et quelques rotations de foreuses devraient rapidement faire fuir petite et grand faune. Il sera toujours temps plus tard de faire des matous sauvages du coin les garants de la mémoire du cimetière nucléaire en les transformant en radiochats. Et pour ce qui concerne la flore, l’extrait très surréaliste du dossier ci-contre, intitulé « Dossier d’acteurs du territoire » et publié par l’Andra en mars 2016, nous rassure quant au fait qu’en 2145 la zone aura recouvré un reboisement complet. Sans doute une forêt de colonnes de béton !
On notera sur le document ci-contre une cocasse note de bas de page qui nous explique avec une solennité toute scientifique, comme seule l’Andra sait si bien le faire, le concept du « first in, first out » ou « dernier arrivé, premier sorti« . Dans le monde idéalisé de l’Andra ça fonctionne aussi pour les colis de déchets radioactifs ou encore les opposant.es qui occupent les propriétés privées. On dégage les seconds à grands coups de pompes de gendarmes dans le derrière et on remontera les premiers quand on aura trouvé la formule magique qui permettra techniquement de le faire, puisqu’humainement la chose ne sera pas possible sans écoper d’une dose d’irradiation létale en quelques secondes.
Nous expulser, c’est nous faire revenir plus nombreux !
Mais n’en déplaise à nos invasifs voisins retranchés dans leur laboratoire fortifié, qui mènent des excursions sous haute surveillance pour aller aménager des pistes cyclables au long de futures voies ferroviaires, Sven n’est pas près de plier bagage et de l’essence coulera sous les barricades avant que nous laissions un colis radioactif parvenir dans son trou. En quelques semaines, après le sud où gisent les vestiges du mur, le nord du bois a été investi de cabanes et barricades à son tour et nous sommes plus nombreus.es et prêt.es à résister avec une farouche détermination à toute nouvelle tentative d’expulsion et d’incursion de l’Andra et de ses sous-traitants dans le Bois Lejuc.
Nous expulser c’est nous faire revenir plus nombreux, nous interdire de territoire c’est renforcer notre conviction à rester, nous réprimer c’est décupler notre détermination à lutter ! Chaque coup porté, a rendu plus visible la lutte de Bure et nous a rapprochés d’autres territoires et terrains de lutte. Ce n’est plus seulement la lutte contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires qui se joue à Bure mais celle contre une vision productiviste et capitaliste des espaces où nous vivons et cultivons ; elle prend ici la forme d’un aéroport, là d’une quatre voies, là encore d’un forage de gaz de couche, ou ailleurs d’un center parcs ou d’un centre commercial géant. D’un endroit à l’autre c’est un vaste tissu de résistance et d’entraide qui s’est tissé au gré de nos rencontres, dans toute la France mais également en Europe et au-delà.
Nous ne sommes pas seulement la nature qui se défend, nous sommes le peuple qui s’organise par lui-même et s’insurge face à une oligarchie qui se cache derrière le mot démocratie pour monnayer jusqu’à notre dernière bouffée d’oxygène ! Notre avenir ne se fera pas dans une urne mais derrière une barricade, dans un champ, une fourche à la main !
Expulsons l’Andra, résistance, sabotage et affouages !
Nous appelons à nous rejoindre dès à présent sur place pour tenir la forêt, dans les jours, semaines et mois à venir et s’ils expulsent nous vous donnons rendez-vous deux semaines après pour une manifestation de ré-occupation et nous vous invitons à mener des actions décentralisées de soutien partout ailleurs !
(1) qui devra intervenir en théorie dans le courant de l’année 2018
(2) présidée par un ancien directeur délégué de l’autorité de sûreté nucléaire de Rhone-Alpes