Bruno Le Roux déclare cette semaine qu’il n’y aura pas de ZAD à Bure. Ça tombe bien, il n’y en a pas et il n’y en a jamais eu. Effet d’annonce pour un ministre qui n’a pas eu le temps de réviser sa copie avant d’être interpellé par le sénateur Christian Namy au Sénat ? Savait-il même où était Bure avant cette semaine ? On l’imagine rentrer à son ministère le soir même et demander à avoir au téléphone la nouvelle préfète de la Meuse pour avoir un rapport circonstancié sur la situation de ce nouveau « kyste » et exiger que des mesures soient prises « énergiquement » contre cette poignée de zadistes qui défraie la chronique.
L’été dernier, avant de tomber un mur de 1,2 km dans le Bois Lejuc, on avait déjà connu un mois d’occupation policière du territoire entourant Bure : contrôles policiers sur toutes les routes, réquisitions de fouille des véhicules renouvelées par tranche de 12h et passages incessants d’estafettes devant la Maison de Résistance, filmant et relevant les plaques d’immatriculation.
Depuis quelques jours on sent que la préfecture et sans doute le ministère de l’intérieur témoignent d’un intérêt accru pour nous, opposant.e.s et habitant.e.s en lutte contre le projet CIGÉO. Ce jeudi, 23 février, au soir vers 23h, 2 fourgons de gendarmes et 2 estafettes étaient déployés tous feux éteints de part et d’autre de la Maison de Résistance. Ce samedi, 25 février, au matin ce sont des gendarmes équipés de pied en cap, armés de lanceurs de balles de défense, qui contrôlent et fouillent tous les véhicules sur les routes entourant Bure, papiers de réquisitions préfectorales à la main.
Intimidation ou stratégie de tension, on a vu l’année passée que le résultat était surtout une exaspération des riverain.e.s, une amplification de la mobilisation et un renforcement de notre propre détermination à lutter. Nous résumer à une poignée d’agitateurs, c’est méconnaître gravement le fait que nous accueillons des ami.e.s de nombreux et très différents réseaux de lutte que ces intimidations et contrôles confirment dans leur conviction que Bure est une lutte à soutenir dans les semaines et mois à venir. Chaque jour cette répression qui ne dit pas son nom, qui vise à nous marginaliser et à nous ficher, pour mieux s’en prendre à nous ensuite, démultiplie la solidarité dans toute la France et bien au-delà. Qu’ils s’en prennent à quelques-un.e.s d’entre nous et demain nous serons des centaines à manifester au pied de la préfecture, qu’ils répriment ces centaines et nous serons des milliers à défiler dans les rues de Bar-le-Duc et à camper dans le sud de la Meuse. Car il ne s’agit pas seulement ici de CIGÉO ou même de l’industrie nucléaire, c’est une certaine vision capitaliste, marchande et sécuritaire de l’avenir contre laquelle nous luttons ici et en bien d’autres endroits du monde.
Et dans la Meuse, depuis que mur et grilles sont tombés, c’est toute la région qui gronde, qui reprend du poil de la bête : dans les villages les langues se délient, les appels signalant les passages et mouvements de gendarmes se multiplient, les hostilités contre cette omni-présence policière s’accroissent. On applaudit dans les chaumières la claque que prennent ANDRA et nucléocrates, après des années d’extorsion de terres déguisées en acceptabilité sociale.
Alors oui, Mme la Préfète, M. Le Roux vous avez un problème, mais il est généralisé, c’est celui de générations qu’on a mal nourries, polluées, bétonnées, exploitées, expropriées et qui commencent à entrevoir, lorsqu’un mur nucléaire chute, qu’un projet d’aéroport capote, qu’un autre avenir est possible et qu’il ne se passera pas de conflictualité. Peut-être que vous nous causerez bien des larmes, mais nous vous opposerons une joie féroce, nos rires et nos chants, en dépit de tout. Vous pouvez nous contrôler, nous arrêter, nous fouiller, vous n’enfermerez et n’empêcherez pas l’imaginaire que nous portons, de se réaliser et de s’envoler, il a déjà bien pris son élan …
Les chouettes hiboux de Bure